Je suis rentrée du boulot y'a même pas deux heures, avec quand même la sale impression d'y avoir laissé un coin de ma tête. C'est dingue d'être conditionnée à ce point. J'ai l'après-midi de libre et je pense déjà au fait qu'il faut que j'y retourne demain. Ca craint... J'ai une grosse envie de me barrer qui me trottine dans le cerveau depuis un moment. Seulement voilà, con ou pas, ça me permet de ramener des pépettes à la maison. C'est pas énorme, avec un mi-temps, je vous l'accorde, mais c'est toujours ça.
Mais quel boulot de merde, quand même...
Enfin pour l'instant, je suis dans ma piaule avec le reste de la journée devant moi, et y'a que deux trucs pour me détendre: la peinture, et la cuisine. Question: est-ce que je fais l'ermite et que je gribouille toute la sainte journée enfermée dans mon appart', genre artiste maudite et esseulée, ou alors, est-ce que je me transforme en maman poule et que je fais un de ces délicieux gâteau dont j'ai le secret pour mes poteaux du "Troisième"?
...
Deux minutes de réflexion. Un élan d'humanisme m'emporte. Aux fourneaux!
Une heure plus tard et deux magnifiques fournées de muffins au chocolat bien chauds sur un plateau, je m'en vais frapper aux portes tel un petit chaperon rouge des temps modernes. C'est à dire en plus miteux. Mais toujours pleine de bonne volonté.
*Toc toc toc!* _Ouaip?...
Tristan, toujours en train de bosser. Même pas levé le nez de ses bouquins.
_Salut beau gosse! Je me suis dit que t'avais besoin d'un peu de réconfort. Les équations à quarante inconnues ça n'a jamais fait de bien à personne.
_Ouais mais ça c'est parce que tu sais pas compter...
Faisant fi de cette remarque complètement fausse (je sais au moins compter jusqu'à 23...), je lui laisse quelques uns de mes merveilleux muffins et une mini- claque derrière la tête avant de m'en retourner.
_Merci princesse.
Ah ben quand même...
Hop hop hop! Quelques portes plus loin, je *toc toc* encore. Et je me crispe un peu. Toujours peur que ce soit une fille à moitié à poil qui m'ouvre... Et ce pour la simple et bonne raison que ça m'est déjà arrivé plusieurs fois. A croire qu'il le fait exprès.
_Entre!
Ah non... Il est au régime?
_Tiens! V'là la plus belle! (Ben tiens... J'ai les bras chargés de muffins...) Beh arrive... T'as peur que j'te morde?
_Non... Pas vraiment... J'attend d'être sûre que Lindsay Lohan va pas surgir en string de ta salle de bain...
Sourire satisfait. Lindsay a dû partir un peu plus tôt, avant que je débarque.
_Pose toi et file moi un muffin! Ca va au boulot? Y'a personne qui t'as fait chier? Si y'a un connard qui t'emmerde, tu me dis. Je lui explose la face.
_Tu peux pas exploser la face de tous les connards qui m'emmerdent... Tu finirais en taule.
_M'en fout... Putain c'est vraiment super bon! Et le moral? Ca va?
_Ca va...
Sourire qui tue. Il sait que je raconte des conneries. J'aimerais bien qu'il arrête de faire ça.
_Bon... De toute façon, tu viens quand tu veux. Surtout avec des muffins. Et encore plus si t'es en maillot de bain.
_Proxénète...
Nouveau sourire qui tue. Je m'en vais...
Hmmm... Quelle heure est-il? Bientôt seize heures. Je me marre. Daz doit être en train de se lever maintenant. J'arriverai pile au bon moment, avec le "p'tit déj'", en plus.
Je retourne sur mes pas. Au pire je le réveillerai, ça lui fera pas de mal. Je ne prends même pas la peine de frapper, 1) parce qu'il ferme jamais, 2) parce qu'il aime pas ça. Après, savoir pourquoi...
Trop mignon. Il s'est endormi encore tout habillé... Limite s'il a pas toujours une manette à la main. Je devrais trouver ça pathétique de passer autant de temps devant des jeux vidéos, mais il a l'air tellement innocent quand il pionce que j'arrive même pas à lui asséner l'énorme coup de coussin que j'avais l'intention de lui coller en guise de bonjour. Je lui ébouriffe les tifs. Ca grogne.
_Aller mon p'tit poulet. C'est plus l'heure de dormir. T'as encore une belle journée de doom like qui t'attend!
_Mgnftoushké...
... Pas compris... Je me rapproche de la bête.
_Gnééééé?... Kestudi?...
_J'vais tous les niquer...
Je souris. Ca va. Il est toujours en vie et il s'est pas transformé durant la nuit. Je dépose mon plateau sur son bureau, un p'tit bisou sur sa joue et je m'en vais. Je le laisse doucement se réveiller pour qu'il puisse de nouveau m'exploser le crâne avec une dose massive de hard rock.
Et je rentre tranquillement chez moi.
Je pense plus du tout au boulot.